Wanaka et Queenstown sont de ces villes dans lesquelles on sait que l'on reviendra, sans but precis, juste parce que l'atmosphere exige une seconde visite pour bien s'impregner des lieux...
Ma premiere excursion a Wanaka s'est revelee etre le debut d'une nouvelle facon de voyager. Mon vague a l'ame de Mont Cook m'a permis de realiser que j'etais loin d'avoir la bonne attitude pour profiter pleinement de ce sejour. Disons que mon silence de ces deux derniers mois prouve que cette petite remise en question a porte ses fruits : j'etais trop occupee a profiter de chaque instant pour partager cette experience en temps reel !
Premiere lecon : le bus c'est pour les cons.
Apres avoir ete prise en stop par un vieil anglais charmant qui venait tout juste de perdre sa femme (ouh la boulette !), me voila sur cette route deserte digne d'un bon road movie a la Las Vegas Parano. Le centre de l'ile sud est un foutu desert de collines brulees ou pas un mouton n'ose flatuler, pas un lapin n'ose secouer son petit cul blanc devant notre pare-brise, nada. Un paysage kiwi sans lapins et sans moutons, c'est quelque chose d'assez rare pour etre impressionnant.
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Une fois crachee a Wanaka (apres, disons-le, un copieux detour pour mon chauffeur), je deboule dans l'auberge de jeunesse reservee la veille (deuxieme lecon : ne jamais reserver son hotel). Deception, l'ambiance est au point mort. Je ne me laisse pas demonter et file dans le centre ville ou mes pas me guident vers le Kai Whakapai, un bar de toute beaute avec DJ sur le trottoir et terrace pleine a craquer de gens bruyamment de bonne humeur. Pinte en main, je scrute les alentours avant de me jeter a l'eau. Je m'asseoie a une table et entame la conversation... des frenchies ! C'est comme si je renaissais.
Quelques heures plus tard, je file recuperer mes affaires a l'auberge - tant pis pour la nuit payee ! - et les rejoins dans la voiture qui m'embarque pour deux ou trois jours d'improvisation totale. Bien qu'ayant deja reserve mon bus (n'ayant pas encore bien integre la lecon numero 1), je jettes mes plans et tentatives d'organisation par la fenetre. Dunedin attendra. A moi Queenstown !
Le lendemain, reveil vaseux sur plage abandonnee quelque part au large de Wanaka.
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Hesitations. Ai-je bien fait ? Un petit dejeuner sur le pouce avec lait en poudre et bain dans le lac met mes doutes a terre. On verra bien. Nous partons donc pour Queenstown, faisant etape a Arrowtown, petite bourgade miniere ayant garde des airs appuyes de far west, et notamment reputee pour son architecture et son travail de la pierre de jade.
C'est un peu etrange de se retrouver parmi ces gens qui se connaissent deja, mais j'aime leur esprit d'improvisation quasi totale.
Nous ne passons pas beaucoup de temps a Queenstown, surnommee "tourist land" par les inities. Et c'est vrai que quand on deambule dans les rues de cette charmante cite, capitale des sports exctremes, on ne peut s'empecher de se sentir un peu comme a Disney. Tout y incite a la consommation, de jour comme de nuit comme je l'experimenterai lors de ma seconde visite...
Nous larvons donc deux ou trois heures avant de nous mettre en quete d'un camping, gratuit si possible. Notre avarice va nous conduire a une experience completement inattendue et fort interessante. Vers 20h30, nous sommes encore sur la route, et ce qui devait etre une petite misison d'une demie heure se transforme en expedition sur les traces de Peter Jackson, qui est cense avoir tourne l'une des scenes du Seigneur des Anneaux pres de Glenorchy, tout au nord du lac qui borde Queenstown, dans un parc national bien nomme Paradise.
La route est magnifique, et une fois sur place, l'enchantement est au rendez-vous. Nous n'avons aucun droit de camper la, mais c'est bien evidemment le cadet de nos soucis. Nous profitons pleinement d'etre la ou personne d'autre ne se trouve, un petit morceau de paradis perdu, a l'abri du regard et de l'effervescence touristique habituelle... Ha ha.
Apres l'un des meilleurs riz cantonnais de ma vie, au feu de bois et dans le noir, tout le monde va rapidemment se coucher. Personne ne s'imagine alors que la nuit va etre bien plus courte que prevue.
A cinq heures du matin, un vrombissement nous reveille. Deux puissants phares vont et viennent le long de nos tentes tandis que quelques personnes murmurent dans l'obscurite matinale...
J'ai une petite goutte de sueur froide. Les rangers ? On est cuits. Amende salee a la cle, pour camping illicite dans un parc national. L'un des frenchies a mis le nez dehors.
"Sorry mate, we're gonna do a movie here."
Je sors de mon trou, pas persuadee d'avoir bien compris tellement la reponse me parait incroyable. Un vieux bonhomme court sur pattes se trouve la, au pied d'un gigantesque camion dont le generateur, aussi discret qu'un avion de chasse, est installe juste en face de ma tente. Il nous explique fort aimablement qu'il est le dirigeant d'une compagnie de production chargee de filmer un spot publicitaire pour du lait chinois. Il est absolument desole de nous avoir reveilles, persuade qu'il etait que personne ne se trouvait la puisqu'il etait venu verifier la veille au soir l'etat des lieux loues pour l'occasion... Pour se faire pardonner, il nous invite a se joindre a eux pour le petit dejeuner, nous expliquant avec un sourire que d'ici une heure, une soixantaine de personnes, vingt voitures et deux autres camions devraient se joindre a la fete. Plus on est de fous plus on rit !
Je n'en crois pas mes oreilles. Mais ce qui me defrise, ce n'est pas tant d'etre reveillee a cinq heures du mat' pour du lait chinois au cadmium. C'est d'etre invitee a partager un somptueux petit dejeuner au lieu d'etre jetee dehors comme une malpropre - et comme il serait parfaitement en droit de l'exiger.
Un peu heberlues, nous rallumons le feu de la veille en attendant que les choses se mettent en place.
Bientot, c'est l'effervescence. Preparer un petit dejeuner pour soixante personnes, ce n'est pas du luxe ! Je me retrouve avec un autre francais a bavarder avec les cameramans - les autres ayant preferes retourner se coucher - et a echanger quelques plaisanteries sarcastiques au detour d'un morceau de bacon arrose d'omelette et de croissants (si si !). J'apprends dans la foulee que la route parcourue hier depuis Queenstown est l'une des plus prisee de Nouvelle Zelande pour tourner des publicites pour voitures. De nombreuses compagnies internationales font appel a eux chaque annee, et plus d'une vingtaine de spots sont tournes a l'endroit ou nous nous trouvons actuellement... Plutot interessant de voir la psychologie mise en oeuvre par les agences de communication, qui d'un pays a l'autre ont recours a un meme endroit pour vanter aussi bien les charmes du petrole que du lait de vache... Un beau paysage reste un beau paysage, peu importe les valeurs pour lesquelles il est prostitue par le ministere de l'environnement...
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J'ai un bref instant de pitie (tres bref je dois dire) pour l'actrice chinoise qui doit parcourir gracieusement les cotes du lac une cinquantaine de fois avant de trouver le bon jete de talon, completement glacee dans sa ridiculement fine robe blanche evaporee, gardant le sourire malgre les hordes sauvages de sandflies qui ne laissent aucun repit meme au plus endurci des kiwis...
Une fois lassee de degoiser mechamment et gratuitement sur cette icone laitiere, je me laisse aller a la magique contemplation du lever de soleil sur le lac diamant, en compagnie de quelques faucons pas farouches..
Une fois remis de nos emotions, nous sautons dans la voiture, direction le parc national. Une fois sur la route, je comprends mieux la confidence d'un des cameramans, m'expliquant que les publicites Milka etaient tournees dans le coin. Le pauvre homme n'avait sans doute pas conscience du choc emotionnel qu'il avait provoque. Quoi ! Notre bonne vieille vache violette ne tirait pas sa sublime couleur de nos grassouillets alpages ? Ben oui quoi, pourquoi tourner une pub si pres de chez soi quand on peut s'offrir le bout du monde ?
La journee passe a une allure faramineuse, tout occupes que nous sommes a chercher des pierres de jade dans le lit des rivieres que nous traversons en voiture... Puis c'est le retour a Queenstown, ou mes compagnons d'un jour me deposent gracieusement afin que je puisse sauter dans le bus m'emmenant enfin vers Dunedin !